Je n’ai pas résisté au plaisir de faire un copier coller de la lettre de Laurent Joffrin de Libération, lettre quotidienne qu’il vient de reprendre aujourd’hui avec le brio qu’on lui connait en particulier ce jour. Merci à lui

Laurent Joffrin
La lettre politique
de Laurent Joffrin

Un G7 de dingues

Ainsi Donald Trump, jamais à court de solutions ingénieuses, a suggéré de lancer une bombe nucléaire sur le prochain ouragan qui s’aviserait de s’approcher des côtes américaines. Voilà qui dissuaderait à coup sûr les futures agressions cycloniques. Cohérente avec ses convictions protectionnistes, la proposition du président américain avait déjà été envisagée à la fin des années 40 par quelques docteurs Folamour de la météo yankee, puis rejetée – chose étonnante – en raison des risques de retombées radioactives.

Le même professeur Nimbus de la Maison Blanche a aussi envisagé d’acheter le Groenland, qui n’est pas à vendre, de manière à étendre très pacifiquement le territoire américain. «Make America Great Again»… Il est vrai que les Etats-Unis avaient déjà acheté la Louisiane à Napoléon, qui avait besoin d’argent pour la Grande Armée. Malheureusement, le gouvernement danois, n’ayant pas l’intention d’envahir l’Europe à la tête de ses grognards, a demandé au président américain de redescendre sur terre, ce que l’intéressé a mal pris. Il a annulé une visite prévue au Danemark, ce qui a probablement soulagé plus que peiné les autorités de Copenhague.

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Sur un mode moins agressif, mais guère plus réaliste, Boris Johnson, nouveau Premier ministre britannique, une sorte de Trump de la gentry, a expliqué à ses partenaires européens qu’il pourrait instaurer entre les deux Irlande, hard Brexit oblige, une frontière à la fois efficace et invisible, un peu comme naguère le magicien David Copperfield pouvait faire disparaître et apparaître un avion sous les yeux ébaudis d’un public incrédule.

Dans le même esprit, Jair Bolsonaro, président du Brésil plein d’esprit et de ressources, fâché de voir la planète s’intéresser au sort de l’Amazonie, c’est-à-dire à son propre sort, a d’abord indiqué que cette question ne regardait personne en dehors de lui, puis que les incendies gigantesques qui détruisent la forêt avaient été allumés par les ONG vicieuses auxquelles il avait coupé les vivres, et enfin, comme Emmanuel Macron, hôte du G7, a eu le front s’insister, il lui a cloué le bec en se moquant, dans un rare accès d’élégance, du physique de son épouse Brigitte.

Voilà le genre de personnage que la vague national-populiste a fait éclore sur la scène mondiale et avec lesquels Emmanuel Macron a dû composer pendant ces trois jours de discussions du G7 de Biarritz, pour tâcher d’arriver à des déclarations – et à des décisions – à peu près sensées. Ne serait-ce que pour cette performance, il mérite l’indulgence des commentateurs. A-t-il réussi son affaire ? On ne peut guère lui reprocher une quelconque apathie. Tel le furet courant partout, il s’est porté sur tous les fronts de l’hôtel du Palais, animant les conférences, alignant les tête-à-tête, multipliant les points de presse et les adresses à la nation, organisant même la visite surprise du ministre des Affaires étrangères iranien.

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Il en est ressorti une aide d’urgence pour l’Amazonie, un espoir d’apaisement dans la crise iranienne, un ton moins martial dans les tractations commerciales mondiales. Un succès, donc, qu’il faut reconnaître sans barguigner, sachant que ces conférences informelles ne sont pas destinées à prendre des décisions spectaculaires. Elément nouveau : Donald Trump a évité tout scandale, il n’a pas jeté la soupière à la tête de ses interlocuteurs, ni désavoué publiquement ses co-invités. C’est ainsi avec les caractériels, qui imposent leur rythme et leur style. Quand ils reviennent à un bon sens minimal, on leur attribue la sagesse de Socrate.

Ce G7 réfute au passage le leitmotiv qu’on entend psalmodier par tous les souverainistes de la terre : le multilatéralisme est mort, disent-ils, seules les relations bilatérales de nation à nation ont une pertinence. Tous ces «machins» collectifs, disent-ils, ONU, UE, OCDE, CSCE, sont des simagrées de Bisounours et de bien-pensants. Il faut revenir à la saine realpolitik des Etats défendant strictement leurs intérêts, comme au XIXe siècle. Outre que le G7 n’est pas exempt de realpolitik, on voit bien que ces conférences à plusieurs permettent de gagner du temps, de lever certains malentendus, de mobiliser des ressources. On voit surtout que la situation de cette planète de plus en plus interconnectée, qu’il s’agisse de culture, de conflits militaires, de négociations commerciales ou de questions climatiques, exige précisément des réponses collectives et non l’agitation disparate et vaine de nations éparpillées façon puzzle. Au moins les sept de Biarritz, dans un regain de rationalité inattendu, ont-ils contribué à le faire comprendre.

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